LE POLLEN EST UN QUASI-POEME
As we lie down to sleep the world turns half away
through ninety dark degrees
Elisabeth Bishop
Le campement se lève avec la fumée d’un petit feu :
le jour a commencé froid
Les pensées obscures de la nuit antérieure
s’élèvent avec le feu et la brume
Le jour a commencé serré comme un nœud
les rayons fibreux du soleil l’ont défait
ils l’ont découpé comme un bout de viande
qui reste ouvert et posé là
un souvenir une collation
sur une table grise et lavée par la pluie
Le jour a commencé humide
un coq l’a réchauffé avec sa prière
Des gaillards sacrément forts
sautent dans l’eau comme des bêtes
nubiles obscurément beaux et sauvages
leurs cris alarment la petite foule
troublent le repos des bourgeois
leurs rites baptismaux
leurs chants illisibles ont tranché le jour
l’ont coupé en deux
ils viennent des montagnes de la rivière haute
ils viennent de régions incertaines au milieu du jour
ils sont escamoté le calme du voisinage
la consolation des justes
le jour a commencé froid
des enfants l’ont ouvert et l’ont recouvert de pollen
Antonia Torres
Umzug, Ediciones Cuarto Proprio, Santiago de Chile, 2012
Traduction : Viviana Méndez y Bastien Gallet